Suspension
Lola Rudrauf
2021

Réalisation
Direction de mouvement

Ce projet est celui d’une recherche sur la suspension d’un corps, à travers une étude pluridisciplinaire.
La danse, « poème dégagé de l’appareil du scribe » selon Mallarmé, est souvent considérée comme un art éphémère, abolissant la trace écrite et condamnant le danseur à l’espace et à l’instant. Aussitôt engendré, aussitôt terminé, le geste s’évanouit, ne laissant aucune trace. Le mouvement se compose et se décompose presque simultanément, la disparition de la chorégraphie est instantanée, ressemblant à un désir de décevoir toute tentative de fixation d’image.
À ce caractère éphémère et performatif de la danse s’ajoute un jeu sur la suspension qui complexifie d’autant plus la captation des mouvements. La sus-pension (pendu par en haut) appelle à notre relation à la gravité, lorsqu’aucune pression ne s’exerce et que l’on semble « flotter ». Le cours du mouvement est interrompu momentanément, laissant le corps dans un entre-deux instable où ni le temps ni la gravité ne font effet sur lui.

Comment, alors, capter le mouvement et ancrer cet art qui est par essence éphémère ? Comment laisser une trace d’un instant fuyant, d’un corps suspendu ?
Ces questionnements ont inspiré plusieurs artistes qui ont tenté de capturer ce geste évanescent à travers divers supports et techniques.

La photographie comme capture de l’instant

La danse et la photographie semblent au premier abord être antinomiques. L’une est l’art du mouvement qui se développe dans l’espace et le temps, s’évanouissant à peine créée, quand l’autre saisit un instant hors de la durée pour l’inscrire sur un support, complexifiant la retransmission d’un continuum de nuances.

Cependant, la danse donne parfois une impression de non-poids où le temps semble suspendu dans une vision globale du mouvement et certains photographes ont essayé de saisir cet entre-deux où le corps s’abandonne à la coulée du mouvement à venir.
C’est le cas de Charlotte Rudolph, photographe allemande du début du XXème siècle, qui a été pionnière dans l’art de capturer les danseurs en mouvement. Elle a notamment pris pour modèle son amie Gret Palucca, élève de Mary Wigman, figure de proue de la danse expressionniste allemande. Avec ses clichés, la photographe essaye de montrer ces moments transitoires comme passages de la défaillance.

Le dessin comme abstraction du geste et essence du mouvement

En 1926, Wassily Kandisky s’appuie sur les photographies de Gret Palucca par Chalotte Rudolph pour créer les quatre “dessins analytiques”, publiés dans la revue artistique Das Kunstblatt. Ces dessins sont des reproductions des clichés de la photographe au moyen de formes, d’arrondis, de traits qui suggèrent le mouvement. Kandinsky définit la ligne comme « l’empreinte de l’énergie - la trace visible de l’invisible ». La forme organique de la peinture « s’effacent » et les formes abstraites prennent alors une signification. Ces signes, non pas statiques, mais en mouvement, rendent le dynamisme du corps à travers la ligne.
Cette abstraction du mouvement dansé suggère alors cet entre-deux, cet état transitoire de suspension.

La notation de la danse comme trace de la suspension

La notation de la danse ou graphie du geste est un procédé de consignation du mouvement par écrit. A travers des signes dessinés, elle saisit le mouvement et l’ancre sur un support.
Celui-ci devient une trace, capable de traverser le temps et les continents, elle ne le fige pas pour autant.
Depuis le XVème siècle et probablement même antérieurement, praticiens et théoriciens cherchent à transcrire le mouvement. Chaque époque a ainsi développé ses propres notations pour transmettre un répertoire gestuel particulier. Ces « danses tracées » selon l’expression de Laurence Louppe, semblent démentir l’axiome de Mallarmé́ qui parlait d’un art « dégagé de l’appareil du scribe ».
Ainsi le XXème siècle voit naitre, plusieurs systèmes d’écriture dont la notation Benesh que l’on utilisera dans ce projet. Cette mise à l’écrit du mouvement permet de capter des poses mais également des instants de suspension, par essence momentanés, pour les inscrire dans un langage universel, qui transforme l’éphémère en héritage.

CREDITS

Casting : Shanti Mouget
Réalisation, direction de mouvement : Lola Rudrauf
Production et développement : Emma Le Goff
Photographie : Emma Boudon
Assistant.e.s : Esther Balibar, Austin Decarsin, Vincent Taraud
Stylisme : Arnaud Chartouni
Maquillage : Clara Barban Dangerfield
Coiffure : Wendy Margry
Dessin et notation du mouvement : Lola Rudrauf
Garphisme : Sylvain Julé

Remerciements : Leila Nour Johnson, Agèle Lepolard, Midi 25, Maïa Dubois, Fringale

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Réalisation
Direction de mouvement

Ce projet est celui d’une recherche sur la suspension d’un corps, à travers une étude pluridisciplinaire.
La danse, « poème dégagé de l’appareil du scribe » selon Mallarmé, est souvent considérée comme un art éphémère, abolissant la trace écrite et condamnant le danseur à l’espace et à l’instant. Aussitôt engendré, aussitôt terminé, le geste s’évanouit, ne laissant aucune trace. Le mouvement se compose et se décompose presque simultanément, la disparition de la chorégraphie est instantanée, ressemblant à un désir de décevoir toute tentative de fixation d’image.
À ce caractère éphémère et performatif de la danse s’ajoute un jeu sur la suspension qui complexifie d’autant plus la captation des mouvements. La sus-pension (pendu par en haut) appelle à notre relation à la gravité, lorsqu’aucune pression ne s’exerce et que l’on semble « flotter ». Le cours du mouvement est interrompu momentanément, laissant le corps dans un entre-deux instable où ni le temps ni la gravité ne font effet sur lui.

Comment, alors, capter le mouvement et ancrer cet art qui est par essence éphémère ? Comment laisser une trace d’un instant fuyant, d’un corps suspendu ?
Ces questionnements ont inspiré plusieurs artistes qui ont tenté de capturer ce geste évanescent à travers divers supports et techniques.

La photographie comme capture de l’instant

La danse et la photographie semblent au premier abord être antinomiques. L’une est l’art du mouvement qui se développe dans l’espace et le temps, s’évanouissant à peine créée, quand l’autre saisit un instant hors de la durée pour l’inscrire sur un support, complexifiant la retransmission d’un continuum de nuances.

Cependant, la danse donne parfois une impression de non-poids où le temps semble suspendu dans une vision globale du mouvement et certains photographes ont essayé de saisir cet entre-deux où le corps s’abandonne à la coulée du mouvement à venir.
C’est le cas de Charlotte Rudolph, photographe allemande du début du XXème siècle, qui a été pionnière dans l’art de capturer les danseurs en mouvement. Elle a notamment pris pour modèle son amie Gret Palucca, élève de Mary Wigman, figure de proue de la danse expressionniste allemande. Avec ses clichés, la photographe essaye de montrer ces moments transitoires comme passages de la défaillance.

Le dessin comme abstraction du geste et essence du mouvement

En 1926, Wassily Kandisky s’appuie sur les photographies de Gret Palucca par Chalotte Rudolph pour créer les quatre “dessins analytiques”, publiés dans la revue artistique Das Kunstblatt. Ces dessins sont des reproductions des clichés de la photographe au moyen de formes, d’arrondis, de traits qui suggèrent le mouvement. Kandinsky définit la ligne comme « l’empreinte de l’énergie - la trace visible de l’invisible ». La forme organique de la peinture « s’effacent » et les formes abstraites prennent alors une signification. Ces signes, non pas statiques, mais en mouvement, rendent le dynamisme du corps à travers la ligne.
Cette abstraction du mouvement dansé suggère alors cet entre-deux, cet état transitoire de suspension.

La notation de la danse comme trace de la suspension

La notation de la danse ou graphie du geste est un procédé de consignation du mouvement par écrit. A travers des signes dessinés, elle saisit le mouvement et l’ancre sur un support.
Celui-ci devient une trace, capable de traverser le temps et les continents, elle ne le fige pas pour autant.
Depuis le XVème siècle et probablement même antérieurement, praticiens et théoriciens cherchent à transcrire le mouvement. Chaque époque a ainsi développé ses propres notations pour transmettre un répertoire gestuel particulier. Ces « danses tracées » selon l’expression de Laurence Louppe, semblent démentir l’axiome de Mallarmé́ qui parlait d’un art « dégagé de l’appareil du scribe ».
Ainsi le XXème siècle voit naitre, plusieurs systèmes d’écriture dont la notation Benesh que l’on utilisera dans ce projet. Cette mise à l’écrit du mouvement permet de capter des poses mais également des instants de suspension, par essence momentanés, pour les inscrire dans un langage universel, qui transforme l’éphémère en héritage.

CREDITS

Casting : Shanti Mouget
Réalisation, direction de mouvement : Lola Rudrauf
Production et développement : Emma Le Goff
Photographie : Emma Boudon
Assistant.e.s : Esther Balibar, Austin Decarsin, Vincent Taraud
Stylisme : Arnaud Chartouni
Maquillage : Clara Barban Dangerfield
Coiffure : Wendy Margry
Dessin et notation du mouvement : Lola Rudrauf
Garphisme : Sylvain Julé

Remerciements : Leila Nour Johnson, Agèle Lepolard, Midi 25, Maïa Dubois, Fringale